L'amnésie environnementale

Préserver et régénérer la biodiversité, un enjeu majeur dans la transition écologique

Jan 2023

Selon le rapport Planète Vivante de WWF publié en 2022, la population d’animaux sauvages vertébrés a diminué de 69% entre 1970 et 2018. 

Selon le l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), c’est un tiers des 27600 espèces étudiées qui était menacé d'extinction en 2020.   

Selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), la forêt a perdu “presque 100 millions d’hectares” sur la planète en 20 ans. 

Déforestation, surpêche, pollution, dérèglement climatique, agriculture intensive, les raisons de la destruction de la biodiversité sont multiples et ne cessent de s’intensifier d’années en années. 

L’ensemble des êtres vivants et les écosystèmes dans lesquels ils vivent se meurent. 

Pourtant, nos conditions d’habitabilité de la Terre sont grandement dépendantes de l’état de ces écosystèmes et de la biodiversité.  

Souvent dissociées des enjeux climatiques, les conditions du vivant sont d’ailleurs tout aussi importantes que l’état du climat. 

Entre préservation, atténuation, régénération et réensauvagement des écosystèmes, de nombreuses transformations sont nécessaires pour nous permettre d’enrayer la destruction des écosystèmes à laquelle nous faisons face.

Préserver, régénérer et réensauvager

Au niveau mondial, on considère que pas moins de trois quarts des écosystèmes terrestres seraient dégradés par la présence des activités humaines. 

En France, c’est à peine 20% des habitats naturels qui seraient dans un état de conservation jugé “favorable”. 

Pour inverser cette tendance destructrice et enrayer la perte de biodiversité, plusieurs solutions existent, et doivent être menées de front. 

  • Préserver la biodiversité restée intacte
  • Mener des actions de régénération sur les écosystèmes dont nous sommes dépendants. 
  • Laisser la nature reprendre ses droits par des politiques de réensauvagement

Préserver la biodiversité restée intacte

Stopper toute nouvelle expansion humaine sur les écosystèmes pas encore impactés est la première action à réaliser avant de prétendre à la reconstitution du vivant. 

Aujourd’hui, rares sont les écosystèmes encore totalement préservés des activités anthropiques. Pour enrayer la perte constatée du vivant, et si on ne souhaite pas que les actions de restauration soient annulées par de nouvelles destructions, c’est l’arrêt total de l’exploration de nouvelles zones sauvages qui doit être mis en œuvre. 

C’est les pouvoirs publics qui ont le plus grand rôle à jouer dans ces actions, notamment en légiférant en faveur de l’interdiction de toutes nouvelles expansions. 

Régénérer la biodiversité

La régénération de la biodiversité consiste en des techniques permettant d’inverser la dégradation des écosystèmes grâce à l’intervention directe de l’être humain comme la réintroduction d’espèces, la dépollution ou encore la végétalisation d’espaces artificialisés.  

C’est lorsque les seules créations de réserves naturelles ne sont pas suffisantes à la restauration de la biodiversité, ou dans des domaines nécessaires à nos existences comme l’agriculture que les pratiques de régénération doivent être menées. 

Lorsque l’Homme a nécessairement besoin d’un environnement pour se nourrir, se loger, créer des liens sociaux, l’objectif est donc de pouvoir générer un impact positif sur les écosystèmes en y introduisant plus de biodiversité qui n’en a été détruite, de manière à créer un espace d’équilibre entre nature et êtres humains. 

La régénération c’est agir en faveur du vivant, et placer les conditions des écosystèmes sur un pied d’égalité avec les activités humaines.

Laisser faire et réensauvager

On ne le dira jamais assez, la meilleure intervention que l’Homme puisse avoir est de ne justement pas intervenir et laisser la nature se régénérer seule, en stoppant toute activité, même positive, sur les écosystèmes.

Sans intervention humaine quelle qu'elle soit, laisser la nature reprendre ses droits est bien souvent le meilleur moyen pour contribuer à une restauration efficace des écosystèmes.

Réserve nationale Pacaya-Samiria, Pérou - © Thibaut Gabrillargues

Préserver, régénérer et réensauvager sont les 3 méthodes que nous identifions être nécessaires pour restaurer notre environnement. Elles sont clés quant à nos conditions d’habitabilité de la Terre. Et encore plus quand on les rattache au climat. 

Car contenir le réchauffement climatique est aussi une des raisons principales pour laquelle il est nécessaire de stopper la destruction de nos écosystèmes.

Régénérer la biodiversité, un enjeu pour le climat

Longtemps trop peu considérés, les enjeux de la biodiversité sont pourtant cruciaux et tout aussi importants dans la lutte contre le réchauffement climatique que le réchauffement lui-même. 

L’état de la biodiversité joue un rôle énorme dans la stabilisation du climat, et inversement la  dégradation des conditions climatiques impacte nécessairement l’état de la biodiversité. 

En effet, les écosystèmes sont un puissant acteur dans la séquestration du carbone. Ils sont même, bien avant les solutions techniques envisagées avec parfois trop d’ambition, la première source de captation des émissions de gaz à effet de serre sur la Terre. 

Selon Ana Maria Hernandez Salgar, présidente de l’IPBES, c’est prêt de 50% des émissions de CO2 d’origine anthropique qui sont captées par la biodiversité.

On appelle cela des puits de carbone naturels.

Souvent insoupçonnés, ce sont les océans qui représentent le réservoir naturel le plus important au monde, notamment grâce à l’action des phytoplanctons. 

Mais la hausse des températures conséquences du réchauffement climatique acidifie le milieu océanique, mettant alors en péril l’ensemble de cet écosystème. 

Les forêts et les mangroves arrivent en seconde position dans leur capacité à capter les émissions de CO2. 

L’enjeu est donc de préserver cette biodiversité, la régénérer quand c’est nécessaire, et de bien la régénérer.

On ne parle ici pas de planter des forêts exclusivement peuplées d’une même espèce (monoculture), car de tels boisement auraient un impact néfaste sur un développement riche de vie des écosystèmes et se retrouvent souvent contreproductif dans la lutte contre le réchauffement climatique (les méga feux de forêts s’épanouissent plus dans les forêts plantées en monocultures). Quand on parle de régénération, on parle bien de mener une réimplantation complexe et variée du vivant nécessaire à l’équilibre des écosystèmes. 

Tout l’enjeu qui est le nôtre est donc de pouvoir stopper l’emballement climatique tout en luttant contre la diminution de la biodiversité. Ce sont 2 enjeux à mener de front, sans que l’un porte préjudice à l’autre.

Mais au-delà d’avoir son rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique, la biodiversité joue aussi un rôle énorme dans la conservation de nos conditions d’habitabilité sur Terre.

Pourquoi est-il nécessaire de préserver la biodiversité ?

La santé

Déjà, une biodiversité préservée joue un rôle clé sur notre santé puisqu’elle nous donne les moyens de nous nourrir sainement et de consommer des eaux propres. Par exemple, lorsque sont mises en place des pratiques d’agricultures régénératrice (permaculture) et que l’utilisation de produits chimiques nocifs (coucou les néonicotinoïdes) pour l’être humain et la biodiversité.

Aussi, la biodiversité est aujourd’hui la principale source de médicaments dont les humains et les animaux ont besoin pour faire face aux maladies. Maladies elles-mêmes en augmentation à cause de la destruction des écosystèmes qui favorise l’émergence de ces maladies. 

Enfin, sur l’aspect psychologique, quoi de mieux pour notre bien être mental que de se reconnecter au vivant et à la biodiversité, et de s’immerger dans la nature ? Une balade en forêt, une randonnée en montagne ou un coucher de soleil devant l’océan sont des pratiques bienfaitrices pour notre santé psychologique, et ce à n’importe quel âge.

Parc national des Pyrénées, France - © Thibaut Gabrillargues

Nos économies

Dans son rapport Global Futures réalisé avec le Global Trade Analysis Project de l'université de Purdue et le Natural Capital Project de l'université du Minnesota aux États-Unis, le WWF a estimé que la destruction de la biodiversité entraînerait une perte de 479 milliards de dollars par an jusqu’en 2050. 

En cause, la destruction des zones côtières, la diminution des capacités de stockage du carbone dans l’atténuation du réchauffement climatique, la réduction de la disponibilité en eau pour l’agriculture, la perte d’habitats pour les abeilles et autres pollinisateurs et enfin la perte de la forêt et des services écosystémiques forestiers.

Par ailleurs, une biodiversité préservée et des écosystèmes plus sains accueillent une diversité biologique plus riche et offrent donc d’énormes avantages en termes de fertilité des sols (permaculture) et de rendements de bois et de poissons.

La beauté du vivant

Au-delà des raisons purement rationnelles sur la nécessité de préserver et de régénérer la biodiversité, une raison que nous trouvons tout aussi importante chez rivaje est cette volonté de ne pas voir disparaître le beau et la magie du vivant. 

Quoi de plus merveilleux qu’une vieille forêt qui abrite une diversité riche de plantes, d’arbres et d'animaux ? 

Quoi de plus enthousiasmant que de voir des chamois dévaler les raides pentes des montagnes enneigées au printemps ? 

Quoi de plus relaxant que d’admirer des coraux éclatants et abritant des dizaines d’espèces marines à quelques mètres sous la surface des océans ? 

Quoi de plus ressourçant que de contempler des papillons voler dans un champ par une belle matinée d’été ? 

© Janko Ferlic

C’est donc aussi par cette beauté du vivant que notre volonté de préserver et régénérer la biodiversité doit être alimentée. 

Mais maintenant, comment on fait ?

Comment contribuer à la régénération de la biodiversité ?

Régénérer la biodiversité c’est réintroduire des espèces animales et végétales dans des zones en déficit, c’est restaurer les habitats, c’est mieux gérer les ressources en eau, c’est dépolluer nos écosystèmes, c’est végétaliser les espaces anthropisés, c’est réparer les dégâts causés par l’intervention humaine. 

Mais être dans une démarche de régénération, c’est aussi contribuer à sa non destruction et stopper l’expansion des activités humaines sur les écosystèmes.  

A l’échelle individuelle, cela commence par notre consommation, ce que nous mangeons et ce que nous achetons. 

En effet, si nos achats du quotidien s’orientent vers des produits issus de productions non destructrices pour les écosystèmes, ou encore mieux vers des entreprises mettant en place des politiques régénératrices, nous avons un impact direct sur la préservation de ceux-ci.  

Et pour motiver la transformation de nos alimentations et faire face à des tarifs souvent plus élevés des produits plus responsables pour les écosystèmes, c’est aux gouvernements de mettre en place des politiques de taxation ou d’interdiction sur les produits qui causent la destruction de la biodiversité. 

C’est d’ailleurs ce qui a été initié par le Parlement Européen et ses états membres en décembre 2022, avec le vote d'une nouvelle loi interdisant l’importation de produits issus de la déforestation comme le café, le soja, l’huile de palme, le bois, le caoutchouc et le papier.

Les entreprises doivent quant à elles se tourner au maximum vers des modèles régénératifs. Qu’est ce que cela veut dire ? Une entreprise régénérative est une entreprise qui produit sur son environnement plus d’effets positifs que d’effets négatifs, c’est à dire qu’elle régénère plus de biodiversité qu’elle n’en utilise. 

Nous reviendrons dans un prochain article sur les méthodes de régénération possibles pour une entreprise. 

Mais la régénération est une pratique à mettre en place seulement si la présence de l’Homme sur ces écosystèmes est nécessaire.

En effet, dans une logique régénératrice et de préservation, la meilleure intervention que l’être humain puisse faire reste tout simplement de ne rien faire et de laisser les écosystèmes reprendre leurs droits, sans intervenir : on parle alors de réensauvagement.

Et on sait que les écosystèmes ont une très forte capacité à vite se régénérer. 

C’est ce qu’une équipe de chercheurs a révélé dans la revue Science en décembre 2021, après une étude réalisée sur plus de 2200 parcelles de forêt en Afrique de l'Ouest et Amérique du Sud, sacrifiées pour la culture du cacao, du soja ou des palmiers à l'huile. Les résultats étaient encourageants, puisque les données recueillies démontraient que les forêts tropicales humides pouvaient se régénérer sans intervention humaine en l’espace d’à peine 20 ans environ.  

C’est donc tout l’enjeu de nos sociétés : ne plus toucher à la biodiversité pas encore impactée, réensauvager les espaces détruits et régénérer les zones essentielles pour la vie de l’Homme.  

C’est dans cette logique que nos pressions sur la Terre pourront justement évoluer.

Pour aller plus loin

  • Le Grand Livre du Climat, Greta Thunberg, Éditions Calmann Levy, 2022

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