L’entreprise régénérative, dernier concept RSE à la mode ou nouvelle boussole pour l’entreprise ? Vous vous en doutez, si on a choisi d’en parler ici, c’est qu’on penche clairement pour la 2ème option.
Dans un contexte où l’urgence environnementale s’accélère et la volonté de limiter ses impacts négatifs ne suffit plus, l’entreprise régénérative devient un concept aussi puissant que nécessaire pour impulser au sein de l’entreprise un mouvement à la hauteur des enjeux écologiques.
Alors derrière ce concept en vogue, quelles notions se cachent réellement ? Et qu’est-ce que ça veut dire pour une entreprise d’emprunter le chemin vers l’entreprise régénérative ?
C’est pour répondre à ces 2 questions que nous avons invité Christophe Sempels, fondateur de Lumia et père du concept de l’entreprise régénérative en France et Marguerite Laborde, Global Director de Mustela dans notre série de webinaires “Quand le vivant inspire l’entreprise”. On vous partage ici les enseignements clés tirés de ces 2 entretiens.
Une entreprise régénérative, qu’est ce que c’est ?
Ce concept a été développé en France par Christophe Sempels, Fondateur et Directeur de la Recherche chez Lumia et popularisé par différentes initiatives dont La Convention des Entreprises pour le Climat.
Christophe Sempels le définit de la manière suivante :
“Régénérer, c’est aller au-delà de la réduction d’impacts négatifs ou de leur neutralisation pour s’engager vers la génération d’impacts positifs nets pour les écosystèmes et la société. Séquestrer plus de carbone que l’entreprise n’en émet, régénérer davantage de biodiversité que celle détruite par l’activité, renaturer et revégétaliser, augmenter l’autonomisation (empowerment) des parties prenantes, partager avec elles la valeur et leur offrir un revenu décent, améliorer leur santé physique, émotionnelle et sociale… sont autant d’exemples d’objectifs régénératifs.
Une entreprise régénérative, c’est d’abord une entreprise qui regarde le monde autrement et s’interroge sur son positionnement dans le système économique, social et plus largement vivant au sein duquel elle agit."
Source : 👉 Qu’est-ce qu’une entreprise régénérative ? Christophe Sempels & Cultures permanentes - Blog CEC
Essayons d’illustrer concrètement. Prenons un exemple d’une entreprise de production de biscuits.
Pour sa production, l’entreprise a besoin de farine et souhaite l’acheter localement. Elle s’intéresse alors aux agriculteurs autour de son usine. Consciente de ses interdépendances avec les écosystèmes, elle choisit d’acheter la farine auprès de ceux qui ont mis en place des normes agroécologiques afin nourrir les sols et préserver les pollinisateurs. La biscuiterie accepte alors de payer sa farine plus chère pour qu’elle remplisse ces normes écologiques et que les agriculteurs puissent se tirer un revenu digne.
On comprend alors qu'il s'agit de repenser sa chaine de valeur en profondeur pour envisager de produire différemment, en prenant en compte ses impacts environnementaux et sociaux. Le profit n’est plus la seule boussole de son action.
Pour aller plus loin : 👉 Découvrez le webinaire avec Christophe Sempels : Quand l’entreprise s’inspire du vivant : l’entreprise régénérative
L’entreprise régénérative doit rompre avec la logique volumique
Devenir une entreprise régénérative implique un véritable changement de logique.
Aujourd’hui, l’écrasante majorité des entreprises fonctionnent avec des business models dits volumiques. C’est-à-dire qu’il faut vendre plus de produits ou de services, pour générer plus de valeur. Et plus l’entreprise croit, plus ses impacts sont grands quels que soient les gains d’efficience et les efforts environnementaux engagés.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui produit des frigidaires. Cette entreprise produit des frigos 30% plus performants en terme énergétique que le reste du marché. Grâce à cela, elle connait un grand succès et voit ses ventes augmenter de 40%.
Au final, malgré les efforts engagés pour proposer un produit le plus écologique possible (-30% de consommation énergétique par rapport aux produits concurrents), son impact sur l’environnement s’accroit avec les ventes et très vite, les économies réalisées sont absorbées par le volume vendu (+40% de vente).
C’est ce qu’on appelle un effet de bord. Comme la consommation énergétique des frigidaires a énormément baissé ces dernières décennies, désormais tous les foyers se sont équipés de frigos, puis de congélateurs. Certains ont même choisi un frigo américain qui produit des glacons sur demande, d’autres complètent avec une cave à vin réfrigérée par exemple. Bref, l’efficience environnementale est très vite gommée par la croissance qui implique inexorablement plus de pression sur l’environnement.
La logique volumique impose l’obsolescence programmée
Autre effet pervers de la logique volumique : dans une logique volumique, aucune entreprise n’a intérêt à ce que son produit dure indéfiniment car cela risque de limiter ses ventes. Son modèle économique l’incite presque inévitablement à rentrer dans une logique d’obsolescence programmée.
Prenons l’exemple d’un frigidaire. Aujourd’hui, un frigo dure en moyenne entre 8 et 10 ans, quand les premiers frigidaires pouvaient durer plus de 50 ans. En 2021, un frigo de +66ans toujours en état de fonctionner est devenu le plus vieux frigo d’Angleterre et un symbole contre l’obsolescence programmée.
On peut penser également au phénomène d’obsolescence psychologique dont l’iPhone est devenu le symbole, avec la sortie d’un nouveau modèle tous les ans.
Pour devenir une entreprise à visée régénérative, il est donc indispensable de sortir de la logique volumique en privilégiant la réflexion autour de l’usage des biens et services et non plus de leur possession.
Le passage nécéssaire d’une logique volumique à une logique servicielle.
Si, au lieu de vendre un iPhone, Apple vendait l’usage de son téléphone, l’entreprise aurait alors intérêt à ce que chacun de ses téléphones dure le plus longtemps possible. Adieu obsolescence programmée et bonjour longévité des appareils. Ce simple changement de logique renverse toute la dynamique de performance de l’entreprise et l’engage dans un cercle vertueux bien plus sobre en terme de ressources.
Dans les exemples concrets de cette économie de la fonctionnalité, on peut penser aux Velib, le leasing de voiture, les plateformes de locations d’outils et d’appareils ménagers etc.
Si cette transformation n’est pas suffisante, elle est un passage obligatoire vers l’entreprise régénérative. Découvrons un cas concret d'application avec l'exemple de Mustela.
Pour aller plus loin : 👉 Découvrez le webinaire avec Christophe Sempels : Quand l’entreprise s’inspire du vivant : l’entreprise régénérative
Vers l’entreprise régénérative : l’exemple de Mustela
Mustela, célèbre marque de produits pour bébé, fait partie des entreprises pionnières qui se sont emparées du concept de l'entreprise régénérative pour lui donner corps.
Dans le cadre de la première Convention des Entreprises pour le Climat (CEC), l’entreprise a publié une feuille de route très ambitieuse qui pose une véritable transformation de son business model.
Elle est structurée autour de 3 axes principaux
1. Sur les produits essentiels, limiter son impact
L’entreprise a choisi de passer tous ses produits au crible de la sobriété, c’est-à-dire en répondant 2 questions :
▶︎ Ce produit répond-il à un besoin réel ?
▶︎ Y répond-il de la manière la plus sobre possible ?
Suite à cet audit, elle a pris des engagements forts :
Exemple d’engagements :
- Réduire drastiquement les emballages : 100% des produits disponibles en vrac en 2035
- Renoncer aux produits non compatibles avec les limites planétaires : Arrêt de la vente de lingettes jetables pour bébé d’ici 2027 (produit qui représente près de 20% de son chiffre d’affaire)
2. Transformer son modèle pour sortir de la logique volumique
Mustela souhaite transformer son business model en passant d’une logique volumique (vendre un maximum de produits) à une logique servicielle.
Pour cela, elle souhaite développer des Maisons de Parentalité, lieu d’accompagnement vers une parentalité heureuse.
Extrait de “Etre parent en 2035” - Feuille de route régénérative de Mustela
“Aujourd’hui, nos produits, nous les achetons à la maison parentale : un lieu où nous apprenons l’art d’être un parent heureux. On y trouve des sages-femmes pour la préparation à la naissance et la première année de vie, des kinés pour rééduquer son périnée, des psychologues pour nous aider à tenir le coup quand c’est dur. Et des soins en vrac réparateurs et protecteurs de l’hydratation de la peau. A chaque naissance, on nous offre 2 flacons au nom de nos enfants, avec leur QR code personnel, on peut savoir quand on a rempli le flacon, avec quelle formule de soin. On peut ainsi tracer sa provenance, en cas de problème d’intolérance. Ces flacons on les ramène à la maison parentale dès qu’ils sont vides et lavés dans nos lave-vaisselles basse consommation. On les recharge et on complète notre routine de soin et d’hygiène avec des savons et shampoings solides sans emballages fabriqués sur place.
Nous sommes abonnés à la maison parentale : on y reçoit les bons conseils, on y emprunte des livres et des jouets, on y reçoit aussi les dotations de vêtements pour nos nouveaux nés, qu’on vient changer dès qu’ils grandissent. Seconde main bien sûr, mais ils les portent si peu de temps ! Toute la puériculture y est également en prêt.Nous payons 100€ par mois et par personne pour ces services qui couvrent nos besoins pour bien vivre dans notre corps et notre tête, et ce sans emprunter aux futures générations ne serait-ce qu’une toute petite partie de leur bien-être à eux !”
3. Créer un écosystème coopératif
Mustela souhaite encourager des entreprises éco-compatibles en amont et en aval de sa chaîne de valeur.
Dans cette optique, elle a choisi de soutenir financièrement des entreprises qui récoltent des plantes invasives ou des déchets sur les côtes, dans les fleuves ou les océans, pour les transformer en actifs ou en emballages.
Elle a également mobilisé nombres d’acteurs de son écosystème, notamment des concurrents directs, pour homogénéiser les packagings, généraliser les produits rechargeables et le vrac dans les pharmacies.
Vous voulez en savoir plus sur l’engagement de Mustela vers l’entreprise régénérative ?
Pour aller plus loin :
- 👉 Découvrez le Webinaire avec Christophe Sempels de Lumia
- 👉 Découvrez le Webinaire avec Marguerite Laborde de Mustela
- Découvrez la feuille de route de Mustela dans son intégralité (temps de lecture : 15min) : 👉 ici
- Témoignage de Sophie Robert-Velut, instigatrice de la feuille de route de Mustela (durée de la vidéo 45min) : 👉 ici à partir de la minute ‘42
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